préface

août 1989 – union discrète d’Alessio Marchesi, membre de la confédération internationale des sorciers, section britannique, amateur de théâtre à ses heures perdues, et Farha Vemulakonda, no-maj, pigiste débutante pour les rubriques "divertissement" de plusieurs magazines en vogue. Les convives côté Marchesi sont priés de ne pas utiliser leur baguette magique afin que le mariage se déroule dans le calme et la sérénité tandis que plusieurs invités, amis et collègues du Ministère de la Magie confondus, se tiennent prêts à dégainer les sortilèges d’amnésie en cas de dérapage non contrôlé. Quelques incidents isolés auront bel et bien lieu, mais plutôt du genre à former des couples, et d’ailleurs deux d’entre eux finiront par se marier les années suivantes, petite victoire pour la mixité et pour le penchant pro-moldu d’Alessio.

octobre 1989 – le couple quitte rapidement son appartement londonien pour s’installer à Llanelli, au Pays de Galles, au plus proche des parents Marchesi. La famille Vemulakonda grince des dents, mais Farha les rassure, elle n’a pas du tout l’intention de quitter la fourmilière londonienne ni de renoncer à sa carrière, donnez-lui juste quelques années pour pondre ses larves tranquillement, and relax for God’s sake, the wizard’s not abducting me.

mars 1990 – naissance d’Inir, premier fils (welsh. honourable) à Ste Mangouste. Les grands-parents font un rapide calcul mental : oh que oui, Farha était déjà enceinte au moment du mariage. Et ça ne fait que commencer.

novembre 1991 – naissance d’Amata, première fille (italian. beloved), à Ste Mangouste.

10 décembre 1993 – naissance de Cadell, deuxième fils (welsh. battle) dans une clinique moldue de Llanelli après que la mère ait insisté pour être prise en charge normalement, en pleine paranoïa suite aux gros titres de la Gazette du Sorcier concernant les errances de Sirius Black sur le territoire anglais.

juin 1996 – naissance de Reece, troisième et dernier fils (welsh. ardour), à Llanelli, pendant qu’une bande de dégénérés met à sac le département des Mystères.

2004-2020

septembre 2004 – dans un climat plus serein, la seconde guerre terminée depuis cinq ans, Cadell fait son entrée à Poudlard et rejoint son frère aîné sur les bancs des Serpentard où il préfère amuser la galerie dans un premier temps, quitte à serrer les fesses aux examens pour passer dans les classes supérieures.

septembre 2007 – rentrée de Reece, le petit dernier, et passage en quatrième année pour Cadell. Les deux aînés entament respectivement leur sixième et septième année et mettent les bouchées doubles pour que l’Avenir avec un grand A leur ouvre le plus de portes possibles, recrachant docilement le laïus de leur mère : la réussite ne s’achète pas. Amata veut devenir Auror et quand ses frères lui rient au nez (bande de petits cons), elle part en flammes en déclarant qu’au vu de leurs notes, ils finiront dans le meilleur des cas au Comité des inventions d’excuses à l’usage des Moldus. Cette prédiction effroyable fait tranquillement son chemin jusqu’à devenir une certitude, puis un cauchemar. Cadell se réveille progressivement, apprend à jongler entre le nombre incalculables d’activités auxquelles il s’adonne depuis son arrivée et tous les parchemins à rendre. A sa surprise, l’exercice est loin d’être insurmontable, et il s’appuie sur ses facilités avec une arrogance flambant neuve.

septembre 2008 – cinquième année. Pendant qu’Inir entame une formation à l’UMSL dans la filière de justice magique, Cadell monnaye ses talents de tuteur pour les élèves désespérés. Trop casse-cou pour son propre bien, il inscrit son nom à l’aide d’une encre indélébile sur un des lits de l’infirmerie avant de se faire houspiller par Madame Pomfresh. Ce n’est qu’après un accident particulièrement stupide – il reste alité deux jours entiers en attendant que son nez repousse – qu’une étrange fascination, en partie due aux puissantes potions analgésiques, naît pour les extraordinaires pouvoirs de régénération du corps humain. Dans le même temps, et alors que les enfants quittent désormais le nid neuf mois par an, la mère reprend ses activités de journaliste à Londres ; les premières engueulades parentales plomberont le repas de Noël.

septembre 2011 – les ASPIC décrochés haut la main, il entre à son tour à l’UMSL dans le cursus de médicomagie où il se met à étudier l’anatomie du corps humain avec une ferveur qui n’a rien d’académique.

juillet 2016 – l’épidémie d’éclabouille tire sur sa fin en même temps que ses heures de volontariat à Ste Mangouste pour aider à contenir l’infection. Son frère aîné lui présente Ivy lors d’un dîner d’alumni, elle est médicomage-urgentiste, ça tombe bien, vous aurez plein de choses à vous raconter n’est-ce pas ?

février 2017 – la rupture avec Ivy est inattendue, pourtant il ne fallait pas être une lumière pour deviner que la bonne réponse à « je peux laisser quelques affaires chez toi ? » n’était pas censée être non. Il regrette de s’être montré si rustre et a la merveilleuse idée de ne pas lui dire, préférant plutôt accepter les efforts de sa mère – désormais directrice artistique d’un magazine pseudo-influent – pour le divertir. Sa définition du divertissement : un gala de charité organisé par une célèbre (à ce qu’il paraît) famille no-maj avec qui elle s’est vaguement liée, soirée censée récolter des fonds pour une cause dont tout le monde se contrefout tant que les petits-fours sont servis à bonne température. Cadell s’amuse à se faire passer pour le parfait no-maj auprès du gratin que lui présente sa mère, s’invente un cursus scolaire prodigieux et un avenir étoilé de gloire, est en train de vider son verre de champagne dans une plante afin de pouvoir remplacer le breuvage par du whisky pur feu quand il se fait interrompre. « Sorry, do you have a light ? » Bien sûr qu’il a du feu. Il a aussi une machine à café, un lit, un appartement et toute une collection d’objets et d’organes dont il est prêt à faire le don pour une nuit. Ou quelques années ?

2 mai 2018 – le Secret Magique est officiellement révélé aux yeux des no-maj, donnant une longueur d’avance à Nedra qui connaît déjà le sujet sur le bout des doigts. Elle est littéralement adulée par sa mère qui ne manque jamais de la complimenter sur son dernier film, sa dernière interview, son dernier choix de projet, vantant ses mérites à longueur de repas en regrettant tout haut qu’elle ait dû attendre une belle-fille pour que quelqu’un dans cette famille ait enfin le bon goût de se tourner vers une carrière artistique. Les futurs juge, auror, guérisseur et briseur de sort que sont ses propres enfants lèvent les yeux au ciel à l’unisson. Pendant que les britanniques fêtent cet évènement d’une ampleur inouïe, le patriarche Marchesi s’embourbe dans l’échiquier politique international et ses complications qui arrivent par tsunamis. La maison du Pays de Galles est mise en vente et les parents font l’acquisition d’un nouvel appartement à Londres, plus grand que le précédent, beaucoup plus cher aussi – le Brexit a fait flamber les prix. Ils prétextent des emplois du temps décalés pour justifier les chambres séparées qu’ils occupent désormais et s’extasient à peine devant le premier enfant de leur aîné, trop occupés à maintenir à flot leur propre union. Aveuglé par son bonheur dégoulinant, Cadell ne voit rien de l’orage qui se profile.

août 2018 – un sortilège d’amnésie mal exécuté lui rend une Nedra complètement pommée à l’aéroport, c’est la panique à bord, il veut l’envoyer chez tous les spécialistes du bottin mais, pris dans la frénésie de ses dernières années d’étude, est incapable de l’accompagner aux rendez-vous qu’elle finit par oublier de toute façon. Il perd patience pour la première fois quand les parents Avedisian font mine de sous-entendre que tout est de la faute des sorciers, fait réparer une pensine de poche peu de temps après et tente d’apprendre à Nedra comment garder certains de ses souvenirs intacts.

avril 2019 – ouverture des universités aux étudiants sorciers et no-maj confondus. Malgré l’état de la mémoire de Nedra, un morceau de gruyère spectaculaire, il rempile pour dix années de plus à l’Imperial College School of Medicine afin de parfaire ses connaissances en médecine traditionnelle. Le ton monte toujours plus haut avec les parents de Nedra : il leur conseille d’autres spécialistes, des méthodes sur le banc d’essai qui s’annoncent prometteuses, mais sorcières, et le terme leur hérisse visiblement le poil.

avril 2020 – après plus de trois ans de montagnes russes, Nedra jette l’éponge, et lui avec. Pour une fois qu’il n’avait rien fait de mal… Il achète une tortue pour meubler le vide de son appartement (ça ne fonctionne pas), interdit à sa mère de ne serait-ce qu’envisager de mentionner son nom à l’avenir, se plonge corps et âme dans ses bouquins pour oublier son cœur brisé et découvre qu’il est étonnement efficace de bûcher ses cours dans des bars.

septembre 2020 – fraîchement diplômé de l’UMSL, Cadell intègre le département des pathologies nouvelles à Ste Mangouste du Nouveau Monde en parallèle avec son apprentissage des techniques no-maj.

décembre 2020 – Alessio et Farha annoncent leur divorce en plein repas de Noël. Pas une victoire pour la mixité.

2021 - 2027

mai 2021 – il rencontre Prisha au détour d’un séminaire organisé à Oxford. Cousine des désormais célèbres Ramesh, sans pouvoirs, elle travaille sur le gène magique, un concept qu’il trouve trop propice aux dérives pour être confié à des no-maj mais qui ne manque pas de le fasciner. Leur discussion fait des étincelles, attisée par leur arrogance respective et la présence d’un foutu open bar.

novembre 2021 – fête d’anniversaire pour les 30 ans d’Amata.
Ils sautent dans l’ascenseur d’un pas pressé tout en essuyant les gouttes de pluie qui ont tâché le papier cadeau. Ils sont en retard, bien sûr, mais Cadell invoquera une fois de plus son job pour se justifier, un sortilège qui n’a pas fonctionné comme prévu, quelques potions qu’il fallait absolument administrer avant de partir ou une pile de parchemins imaginaire à remplir. Prisha a le réflexe de venir arranger son nœud de cravate parti de travers et alors qu’il surprend son regard attendri dans le miroir, il réalise qu’il ne sait même pas depuis combien de temps ils sont ensemble, ni s’il l’a déjà présentée à sa famille – peut-être à ses parents ? Non, ça c’était la dernière, Macy, une catastrophe. Il se souvient du regard méprisant de sa mère, d’habitude si polie, quand elle lui avait demandé son métier avec une politesse froissée. Oh, you’re an actress ? How original. Il n’avait rien trouvé de mieux que de rire nerveusement pour tenter de camoufler le malaise.
La fête bat son plein, une foule compacte se presse dans le salon agrandi pour l’occasion et il reconnaît là les efforts de sa mère, accro à son audience, prête à tout pour que la pièce soit pleine à craquer, quitte à recruter des figurants.
« Ah ! Enfin là ? Pour un peu on soufflait les bougies sans vous. » Inir prend son frère dans ses bras et l’étreinte a beau être brève, elle a le temps de faire remonter les vapeurs acres d’alcool et de transpiration jusqu’au nez de Cadell. Il se tourne ensuite vers Prisha et amorce une nouvelle accolade qui tombe à l’eau. « Ravi te revoir, euh… – Prisha. Enchantée. Je ne crois pas qu’on se soit déjà rencontrés… ? » Et l’euphémisme est une simple politesse : lorsque Prisha ne croit pas, cela veut dire qu’elle est certaine, et déjà prête à le prouver en dégainant son e-calendrier si besoin. « Oups, désolé. Je dois confondre avec la dernière. » La fausse politesse qu’arborait Prisha se décompose sous leurs yeux alors qu’elle hausse un sourcil perplexe. Cadell passe une main dans son dos, mime du bout des lèvres he’s drunk d’un sourire contrit mais il n'a pas tort, Prisha ressemble beaucoup à la dinde qu’il a ramenée à la dernière réunion familiale – un sport de famille, ceci dit, si on en croyait les récentes conquêtes de Reece, canard boiteux de Poufsouffle mais ! qui suivait les traces de ses aînés, ce brave petit blaireau. « Où est Amata ? Il faut qu’on – Attends, attends, laisse-moi deviner. No-maj ? » Elle se prête à l’interrogatoire avec un sourire figé et n’importe qui avec les yeux en face des trous s’alarmerait des flammes hostiles dansant dans le fond de ses pupilles, déjà en train de brûler Inir au bûcher. « Gagné. » L’aîné marque sa victoire d’un poing levé et le déséquilibre manque d’envoyer tout le contenu du verre serré dans son autre main à leurs pieds. « Et vous vous êtes rencontrés au boulot ? Ou via un de ces congrès inutiles ? » Le regard irrité de Prisha se tourne cette fois en direction de Cadell pendant qu’Inir, sur un bruit de cloches, assume une deuxième victoire. « Well that was easy bro, it’s not even funny anymore. »
« Je vais chercher à boire. » Prisha s’éloigne d’une démarche raide, contenant difficilement la pique acerbe qui lui brûle la langue et qu’elle ne manquera pas de lui faire partager à l’abri des oreilles indiscrètes. Il laisse échapper un soupir, déjà fatigué de l'engueulade à venir. « You’re a dick. – I preferred the actress. What was her name again ? I still remember that epic party she organized for your birthday once, oh-fucking-Merlin, too bad she went nuts, at least she was fun. » Nedra. Well fucking tell me about it.

juin 2023 – le mariage de Nedra fait la une des journaux stupides qu’achète Prisha par paquet de dix chaque semaine, et il ne peut s’empêche d’y jeter un œil pendant qu’elle s’extasie d’une voix trop aigüe. It lasted three days, can you imagine ? Three days ?! Sa mère évoque à demi-mots sa déception de ne pas avoir été invitée et suggère, timidement, la possibilité qu’il passe lui aussi à autre chose. « What about Prisha ? – What about her ? – Are you talking about a future together ? – We talk about our patients, new medications and who left the coffee jar empty. – Well, maybe... it would be a good time to think about it. » Et Prisha pourrait convenir, c’est vrai. Elle est talentueuse, patiente, elle a du charme, ils partagent une complicité indéniable et elle est assez attentive pour rire à son humour de merde. Elle le pousse en avant, sa jalousie est proche du zéro pointé et elle affectionne les bonnes manières, comme aime à le lui faire remarquer sa mère à chaque fois qu’ils viennent manger. Le soir même, il retrouve un vieux billet d’avion de Nedra au milieu d’un de ces bouquins, un marque-page de fortune glissé à la dernière minute. Il sait ce qu’il devrait penser : si elle est heureuse, c’est tout ce qui compte. A la place, il trouve que son mari a vraiment une gueule de con.

mars 2024 – le mariage avec Prisha est célébré en petit comité, un mois à peine après sa demande, sous l’œil contrarié de leurs mères respectives qui ne rêvaient que de pouvoir organiser un mariage à la Bollywood. Elles ne manqueront pas de leur reprocher pour les années à venir, quand elles seront à court d’arguments pour expliquer leur lenteur à pondre une descendance – à vouloir faire comme les anglais ils ont fait n’importe quoi ! Tu imagines qu’aucun d’eux n’a pris la peine de consulter un astrologue ?! Ils n’ont que la science à la bouche, ces imbéciles. Et il aurait d’ailleurs été judicieux d’aborder le sujet épineux des morveux avant l’union, et plus sage encore de ne pas prendre une telle décision après avoir vu un reportage nocturne sur une rare variété d’algues binômes : si l’un des deux siamois avait le malheur de mourir, l’autre dérivait à l’infini, physiologiquement incapable de retrouver chaussure à son pied, même avec tout ce putain d’océan à sa portée. Cinq heures de sommeil plus tard, alors que l’inconscient avait fait son sale boulot de brassage, l’évidence lui avait sauté à la gorge. Il avait suggéré le mariage dès le réveil, avec indolence, comme on propose un café. « But on one condition. A small celebration. »
Quand le pic d’endorphine était retombé, une voix vicieuse lui avait demandé s’il n’espérait pas, au fond, qu’elle lui réponde non.  

décembre 2024 – Prisha le traîne à une réception censée rassembler les grands chercheurs de demain, le force à discuter gène magique et avancées technologiques, avec cette légère pointe de supériorité agacée qu’il exècre de plus en plus chez les no-maj. Il se voit serrer la main de Leonor Chetwynd tandis qu’un vieux souvenir de Vasyl Avramenko débarquant chez lui, brandissant une bouteille de whisky pur feu et prétendant fièrement trinquer à la fin de sa relation lui tire un sourire énigmatique. Puis Prisha le présente à sa collègue, mais aussi amie – elle confond les deux, biberonnée à Facebook depuis vingt ans – dont la famille et le cercle de connaissances financent une grande partie de ses recherches. Nedra.  
C’est certainement un regain de nostalgie, ou le fait qu’il ait arrêté de papillonner depuis plusieurs années, que la routine le bousille à petit feu, ou peut-être juste les bulles de champagne qui ont mis son cerveau à l’envers, parce qu’elle a les yeux qui pétillent et il n’arrive pas à s’en détacher – ne veut pas s’en détacher, là est la différence. Il a oublié sa rancune et sa certitude d’être passé à autre chose à la seconde où leurs regards se sont croisés et qu’aucun des deux n’a eu la décence de détourner les yeux.

mars 2025 – début de la collaboration avec le docteur Fletcher, spécialiste no-maj du traitement des sortilèges d’amnésie ratés. Cadell migre au pôle commun de l’hôpital Ste Mangouste du Nouveau Monde et participe aux tentatives d’élaboration de nouveaux traitements combinatoires.

septembre 2025 – au détour d’un couloir menant au cabinet du Dr Fletcher, il tombe à nouveau sur Nedra, un hasard 100% provoqué puisque Fletcher est son docteur. Il enterre sa culpabilité quelque part entre ce couloir et son appartement (plusieurs fois, pour les mois à venir).

mars 2026 – usé par la vieillesse, le Dr Fletcher se met à lui déléguer plusieurs de ses consultations, ravi d’avoir un docteur multitâche sous la main pour soulager ses trop nombreux dossiers. Un nouveau patient, Stanislas Paul, sorcier de son état et visiblement dénué du plus petit trouble de la mémoire, se montre démesurément curieux quant aux types de personnes qu’ils cherchent à aider. Don’t you think it’s a waste of time to help them – muggles ? When they’ve already started to study our genetics ? Do you even have any idea how that could end ? Il le met à la porte.
Il n’a pas croisé Nedra depuis des semaines.

juin 2026 – le Dr Fletcher lui fait part de son inquiétude quant à la condition de Nedra, et à la possibilité qu’une partie du sortilège d’amnésie se répercute à terme sur sa descendance. « Les maladies de la mémoire sont rarement héréditaires, non ? – Pour les no-maj, oui c’est la tendance générale. Je n’avais encore jamais eu le cas d’une patiente dont la mémoire avait été atteinte de façon magique, l’issue de cette grossesse en devient fortement… aléatoire. » Wait. What ? « How… how – how far along is she ? – Nineteen weeks. » Environ quoi, quatre mois ? Le calcul mental qu’il se force à faire le déconcentre. « I’ll run some tests in a few months, just to be sure, but the dad’s a no-maj as well so it considerably lowers the risks. – Oh. You know the father ? – Yes, I know the husband quite well. » Quatre mois. Est-ce qu’ils se sont vus en février ? Fin janvier ? Non, la dernière fois remonte à début janvier, il en mettrait sa main à couper. Et pourtant, le soulagement a un goût amer.

mars 2027 – Stanislas Paul et ses sosies sous polynectar reviennent lui rendre visite, gentiment pour commencer puis de façon persistante, plusieurs semaines d’affilée. Join the cause before it gets too late doc’. Il prend mal la menace sous couvert de faveur et frôle la panique quand il découvre que son appartement a été visité pendant la journée. Devant la télévision fracturée en deux, il assure à Prisha que ce n’est qu’un cambriolage, que rien ne manque, qu’il est inutile de faire venir une brigade de police magique, mais loin d’être stupide, elle ne réussit pas à le croire. La distance qui s’est établie entre eux ne fait que grandir d’un centimètre supplémentaire ; Prisha garde pour elle les avancées des dernières études sur le gène magique, soucieuse d’éviter une énième dispute, et lit désormais ses magazines sans commentaire depuis qu’il lui a fait comprendre qu’il se contrefoutait des potins du gratin no-maj – énième dispute, là aussi, et deuxième fois qu’il dressait clairement une barrière magique/sans pouvoirs entre eux. Confortablement installée dans le tube londonien, elle se délecte des ragots qui courent sur le nouveau-né de Nedra, admire presque la couche de scandale qu’elle traîne derrière elle avec sa classe habituelle.

juillet 2027 – Prisha tombe enceinte et il lui rit au nez quand elle lui montre les minuscules chaussettes en laine qu’elle a déjà eu le culot de tricoter. « Well don’t you think it’s time ? I’m not gonna be fertile forever, you know that, right ? – Those baby socks are ridiculous. – You’re not answering the question. » La discussion finit en pleurs car ce n’est pas le moment et ce ne sera probablement jamais le moment. Elle abandonne et programme un rendez-vous pour la semaine suivante auquel il arrivera en retard, à moitié déboussolé suite à une visite d’un ami de Stanislas Paul, beaucoup plus baraqué, clairement moins enclin à déguerpir. Encore une autre craquelure dans leur mariage de pacotille.

septembre 2027 – les menaces se font de plus en plus pressantes, Paul parle d’alliance nécessaire mais non durable avec l’autre camp lorsqu’il le prend en chasse sur ses trajets jusqu’à l’hôpital, il évoque des expériences, la dangerosité de la technologie non magique, l’aberration des mariages mixtes et le gâchis du patrimoine sorcier, we will need healers when all of this comes to an end, you do understand that doc’ ? Et quand il lui demande ce qu’il veut, bordel, l’autre répond toujours de façon énigmatique. Your taste for muggles won’t get you very far.
Lorsqu’ils retrouvent une nouvelle fois leur appartement sans dessus-dessous, tous les appareils électroniques non magiques explosés à terre, et que Prisha manque de s’empoisonner en buvant sa tisane habituelle à la camomille, il n’a d’autre choix que de lui avouer l’existence du sorcier détraqué qui le suit à la trace depuis plus d’un an. Prisha prend peur, et après une dispute qui escalade rapidement dans les aigus et les impardonnables – Don’t you think I’m not also the weirdo at work with my wizard-of-a-husband ? – What ?! Oh not again, for Merlin’s sake… – And stop it with Merlin ! I did everything your way, the wedding, the abortion, the holidays with your creepy family, I could’ve died three times with the portkeys alone ! And now I get poison in my camomile ?! – How the hell is that my fault ? – You knew that guy was a freak and you didn’t even bother to tell me ?! – I would’ve told you but you get anxious for a fucking hair left in the bathroom sink ! – Poison ! In my camomile ! How can you stay so freaking calm ? – I’m not calm ! – Well you look calm, that’s exactly the same ! – Fine, I’ll call the magical squad if it makes you feel better. – Oh no. Those are electronic devices, that’s a no-maj matter, just call the normal police. – The “normal” police ? As opposed to what ?! – elle fait une valise et déclare qu’elle retourne chez ses parents le temps que les choses se tassent.
Parce qu’elle ne va pas assez vite à son goût, il l’aide d’un failamalle qu’elle prend très, très mal.

décembre 2027 – l’hommage à Shacklebolt tourne au désastre. Devant la panique qui s’empare du pays, il prend ses quartiers d’hiver à l’hôpital et oublie l’école de médecine qui lui fermera officiellement ses portes au nez quelques semaines plus tard, ne lui laissant pas le temps de se morfondre sur 9 années d’études dans le vent. Le Dr Fletcher est pessimiste pour l’avenir – Prisha ne lui envoie aucune nouvelle, il comprendra plus tard que les chercheurs no-maj affiliés à la génétique magiques sont désormais forcés de travailler pour l’autre camp – son frère aîné est grièvement blessé suite aux évènements du 7 décembre, boucherie qu’il avouera avoir aidé à préparer – son petit frère disparaît de la surface du globe – et l’influence de Nedra dans ce carnage ne cessera de lui sauter aux yeux.

2028 - 2029

1er janvier 2028 – rentrant chez lui en catastrophe, il découvre un Yasen Avramenko revenu d’entre les morts, pissant le sang sur son canapé. Avant qu’il ne s’apprête à fuir la capitale, Cadell l’implore de retrouver son petit frère Reece, et de s’assurer, au moins, qu’il ne finisse pas entre les mains de ce nouveau gouvernement de tarés.

janvier 2028 – sa sœur rejoint la Milice et le presse de rejoindre le nouveau parti en marche. « Your own mother is a no-maj Amata, are you out of your fucking mind ?! – We all have to make choices. – Are they threatening you or something ? Are you afraid for your kids, is that it ? – Look around you. Look at how the rest of the world is treating us. We’re a bloody bunch of fools, and this needs to stop. » Il a la même conversion avec son frère aîné, avec son père, avec tous ses collègues qui penchent inexorablement vers le discours extrémiste de la Renaissance du Phénix, arguant de preuves bancales par peur des représailles. Alors que le Dr Fletcher est chassé de l’hôpital Ste Mangouste du jour au lendemain, il le supplie de continuer les traitements combinatoires, quoi qu’il arrive. « We’ll find a way, Marchesi. There’s always a way. »

février 2028 – Stanislas Paul revient dans ses pattes, des bottes de milicien flambant neuves aux pieds, l’insigne brillant et le sourire mauvais. Cadell ignore où est son frère ? Malgré le Veritaserum ? Malgré un petit Doloris visiblement lancé à contrecœur ? Well I suggest you find him, doc. In the meantime, I have a new job for you.
Cadell est envoyé au service de médicomagie légiste le lendemain, dans ce sous-sol glauque sans fenêtres où le guérisseur en chef, un type grisonnant à l’humour corrosif, lui offre un t-shirt de bienvenue qui le laisse perplexe. Welcome to St Mungo’s morgue. Healing dead bodies since 1973.
Deux semaines après son arrivée, il falsifie un certificat de décès pour Yasen.

avril 2029 – l’année suivante s’écoule dans un flou artistique qui prend une proportion de trous noirs lorsqu’il abuse des potions d’endormissement. Les laissez-passer du Dr Fletcher, les livraisons de potions, les messages passés grâce à l’organisation clandestine de Yasen et Reece ainsi que les transplanages à la dérobée pour continuer de naviguer d’une zone à une autre instillent un stress constant qu’il maîtrise n’importe comment, trichant et mentant comme un arracheur de dents tandis que la corruption du personnel de Ste Mangouste se développe à un rythme effréné. Parmi les cinq motifs de décès, il n’est autorisé qu’à cocher une seule case :
Cause naturelle.