(01.12.27 ⋅ Salt Tower) La pluie battait contre les vitres et le vent soufflait tellement violemment que la cime des arbres se mouvait d’une manière irréelle. Si elle avait été superstitieuse, elle aurait pu se demander si la météo ne s’était pas volontairement déchaînée contre elle et son arrivée inattendue au Royaume-Uni. Avait-elle fait le bon choix en revenant ici ? Avait-elle seulement eu le choix ? Elle ne détestait pas ce pays, bien loin de là, parce que son frère y vivait et elle ne lui avait pas parlé depuis tellement de temps, mais elle ne s’y sentait pas chez elle, elle s’y sentait en danger. Son père lui avait peut-être appris à se défendre et à tirer avec des armes à feu, elle n’était pas pour autant une femme d’action. Elle préférait son petit laboratoire, ses inventions et son petit monde. Elle avait accepté de faire partie de cette bataille du MACUSA contre tout ce qu’il se passait ici, mais pas de cette façon, pas en tant qu’espionne. Ils avaient très vite compris qu’elle était leur meilleur espoir, et ils s’étaient bien gardés de le lui dire. « Leur arme secrète. Leur effet de surprise, » pour reprendre les termes de son agent de liaison. Mais elle avait beau être tout ça, depuis son arrivée ici, elle avait juste l’impression d’être une étrangère. « Hey ! Bonjour toi, tu es debout bien tôt. » Finn venait d’apparaître dans le salon, les cheveux ébouriffés et les yeux fatigués. Il était le seul qui lui donnait l’impression d’être à sa place. « Je n’arrivais pas à dormir … et je ne voulais pas te réveiller. » Il s’approcha d’elle et posa un baiser sur ses lèvres. « Je ne sais pas si je te l’ai déjà dit, mais je suis content que tu sois là … » Il lui sourit et voulut s’en aller vers la cuisine, mais elle le retint par la main. Elle posa son carnet de notes sur le fauteuil et se leva pour lui rendre son baiser et le prendre dans ses bras. « Une petite centaine de fois, mais moi aussi je suis contente que tu sois là … » Ils restèrent ainsi quelques instants, sans que ni l’un ni l’autre ne veuille rompre ce moment de complicité. Finn était sa constante et s’il n’avait pas été là ces derniers jours, elle aurait sûrement déjà craqué. Elle n’était pas faible, non, elle ne savait juste pas quoi faire, et l’inconnu était sûrement l’une des choses qui lui faisait le plus peur. « Allez, viens. Petit déjeuner et ensuite au boulot ! Tu veux que je t’accompagne au travail ? » Elle lui sourit. « Non t’inquiète pas, ça ira, le trajet n’est pas si compliqué. Et puis je te rappelle que j’ai passé un an ici, et les choses n’ont pas tant changé que ça … » Une part d’elle se faisait encore des illusions. « Qu’est-ce que tu dirais d’un petit dîner dehors ce soir ? » Elle poussa un soupir de dépit. « Je ne peux pas, ce soir je dois travailler. Enfin pour … ce que tu sais … » Finn savait tout d’elle et même si parfois, il ne comprenait pas, il la soutenait. « Okay, c’est pas grave. Ce weekend peut-être … » Il posa un baiser sur son front et partit se préparer. Elle finit son thé et alla en faire de même. Avec seulement trois heures de sommeil, la journée allait être compliquée …

Après sa journée déjà presque trop ordinaire à Dronely Yours, elle se rendit directement à la Salt Tower où son poste de nuit – et sûrement le plus important aux yeux du MACUSA – commençait. Ce soir, elle rentrait réellement dans le jeu car son responsable lui avait demandé de suivre la mission d’une de leur recrue et d’en assurer le debriefing. Une partie d’elle était plutôt fébrile à l’idée de faire n’importe quoi, mais au fond, elle savait qu’elle en était capable. « Warren. Votre dossier. C’est un cas facile, essayez de ne pas tout louper ! » Elle attrapa les documents au vol et se rendit en salle des opérations. Là-bas, deux personnes géraient déjà la mission. Elles surveillaient chacun des déplacements de leur agent et lui fournissaient, au besoin, les informations dont il avait besoin. Elle se posta en retrait de ces deux personnes et scruta leurs écrans pendant plusieurs minutes avant que l’ennui ne la gagne. Il ne se passait pas grand-chose mais elle se garda bien d’exprimer à voix haute sa pensée. Elle avait dû manquer toute l’action … C’était la seule explication possible. Elle se décida donc à ouvrir le dossier qu’on lui avait transmis et commença à lire. « Yasen Avramenko … » Ses pensées s’embrouillèrent immédiatement. « Vous avez dit quelque chose ? – Non non, désolé, je … » lisais … Ce nom résonna en elle et l’emplit d’un sentiment nouveau, ou plutôt d’un sentiment oublié. Pourquoi ce prénom lui semblait si familier ? Son incapacité à trouver une explication la rendait nerveuse. Ça recommençait. Ces trous de mémoire qu’elle ne maîtrisait pas. Elle serra les dents pour ne pas crier et tenta de concentrer toute son attention sur les moniteurs de surveillance. « Que fait-il ? » essaya-t-elle de demander à travers sa mâchoire crispée. « Il rentre au QG. On vous l’installe dans la salle de debriefing 4 … » L’analyste la fixait, comme si elle attendait une approbation. « Je … Euh oui. Où est la salle 4 ? » Un geste de la main pour lui indiquer la direction et elle était déjà partie. Mais elle ne se rendit pas dans la salle de debriefing ; elle fit un crochet par les toilettes et s’enferma dans une cabine pour pouvoir se retrouver au calme et organiser ses pensées. Tout va bien Maeve, tout va bien. Tu vas bientôt savoir pourquoi tout le monde te parle de ce Yasen. Elle plaqua sa bouche contre son coude et grogna de colère. Elle avait l’impression de perdre le contrôle. Elle prit une profonde inspiration et donna un coup dans la paroi de séparation des toilettes. « Okay, ça va aller. J’y vais. » Elle attrapa le dossier, sortit des toilettes et se rendit dans la salle de debriefing. L’agent – le prisonnier d’après son dossier – n’était pas encore arrivé, mais elle profita de l’occasion pour lire les quelques notes qu’il y avait à son propos, dans l’espoir de comprendre d’où elle le connaissait. Elle faisait encore les cents pas dans la pièce quand la porte s’ouvrit et qu’un homme entra, poussé par un autre. « Yasen Avramenko … C’est donc vous. Maeve Warren ! » Elle lui tendit la main et attendit qu’il en fasse de même.