(mai 2000) « Ayla ! » Une petite tête d’enfant se redressa à l’appel de son nom et ses petits yeux brillant de vie ne purent ignorer la présence de ces deux adultes à côté de celle que tout le monde appelait Lucy. « Viens ma belle ! » Elle hocha vigoureusement de la tête. Elle ne voulait pas. Pas encore une fois. Elle n’en pouvait plus de ces familles d’accueil, ils ne comprenaient rien … Les derniers l’avaient mis à la porte parce qu’elle était « bizarre » et que des phénomènes surnaturels se produisaient lorsqu’elle était heureuse, énervée ou triste. Ils n’avaient rien compris … Lucy s’approcha et s’accroupit en face d’elle. « Ayla, ma belle, il y a deux personnes qui sont venues pour toi ! » Elle fixa le regard de l’assistante sociale en refusant de croiser celui des deux prétendants au poste de « parents ». « Je ne veux pas. – Bonjour Ayla, moi c’est Thea, et lui c’est Paul. On est tes nouveaux parents. » La dénommée Thea s’accroupit à son tour et lui tendit un lapin en peluche. Mais elle était têtue et repoussa l’objet de la main. « Bon, je te le laisse là. Ne l’oublie pas en partant … » La femme posa un baiser sur son front et lui souffla à l’oreille. « Tu sais ? Nous aussi on est magique … »

(juillet 2002) « Thea ! Paul ! C’est aujourd’hui, c’est aujourd’hui ! » Ayla sautillait sur place et ses jolies boucles rebelles se balançaient autour de sa tête. Voilà deux ans qu’elle avait rejoint la famille Marshall, et sa vie avait changé du tout au tout. Même si elle s’interdisait encore d’appeler Thea et Paul, maman et papa, elle se sentait enfin à sa place, dans une famille qui l’aimait et qui l’aidait à s’épanouir. En plus, aujourd’hui, la famille allait enfin s’agrandir. Aujourd’hui, ils adoptaient deux nouveaux enfants, des jumeaux … « Eh oui Ayla, aujourd’hui, tu vas rencontrer ton petit frère et ta petite sœur ! – Calme toi ma belle, tiens bien la main de maman, on va entrer ! » Elle plongea sa petite main dans celle de Thea et ensemble elles entrèrent à l’intérieur du centre d’adoption. « Monsieur, Madame Marshall ! Ayla ! Comment allez-vous ? » Lucy. Etaient-ils vraiment venus chercher de nouveaux enfants, ou venaient-ils la ramener ? Ayla lâcha la main de Thea et se cacha derrière ses parents pour ne pas croiser le regard de Lucy. « Et bien, tu es devenue timide Ayla ? Tu ne veux pas rencontrer ton frère et ta sœur ? » Sa petite tête réapparut et acquiesça timidement. « Allez, venez ! » Ils suivirent l’assistante sociale jusqu’à une petite table autour de laquelle deux enfants jouaient. « Voici Olivia et Jackson. Oli, Jack, je vous présente votre nouvelle famille ! – Bonjour les enfants. Nous c’est Thea et Paul, mais vous pouvez nous appeler maman et papa. Et elle c’est votre grande sœur, Ayla. » Elle ne les connaissait pas encore, mais en croisant leur regard, elle savait qu’elle les protègerait, quoi qu’il arrive.

(décembre 2005) « Maman, Ayla ! Regardez ce que j’arrive à faire ! » D’un mouvement de baguette, Jackson vit voler une plume à travers la pièce. « C’est ce qu’on a appris à Poudlard ! C’est vraiment trop bien ! » Enfoncée dans le canapé, le regard baissé, Olivia semblait retenir ses larmes. Ayla ne supportait pas de voir sa sœur dans cet état. Elle s’accroupit en face d’elle et lui releva le menton. « Hey ma Oli, c’est pas parce que tu ne peux pas faire voler une plume que tu n’es pas magique ou unique à nos yeux. Tu as bien plus de talents que tu ne penses. » Ils avaient découvert quelques années après l’adoption que seul l’un des deux jumeaux était doté de magie. La petite avait eu beaucoup de mal à l’accepter, et Ayla s’était sentie démunie face à cette situation. Elle aurait voulu apporter des réponses à sa sœur, lui expliquer pourquoi Jackson avait des pouvoirs et pas elle, mais elle n’avait pas les réponses. « Pourquoi Jackson a des pouvoirs et pas moi ? » Le regard de sa sœur s’embuait de larmes et elle savait que rien de ce qu’elle dirait ne pourrait l’apaiser. « J’aimerais pouvoir te le dire mais personne ne sait. Mais je te promets qu’un jour je découvrirai pourquoi … Et je pourrai te donner une explication. Mais en attendant, utilise tes autres talents. Tu es la meilleure élève de ta classe ! Je sais que tu auras un métier très important plus tard. Ne laisse pas ce frimeur de Jack te rendre triste. Il t’aime, que tu aies des pouvoirs ou non … Et moi aussi je t’aime. » Elle prit sa sœur dans ses bras et la berça doucement. A cet instant, elle se promit qu’un jour, elle comprendrait comment la magie se déclarait chez les humains.

(juin 2023) De la pointe de sa plume, elle commençait la soixantième page de son manuscrit de thèse. Depuis le retour de son voyage humanitaire, elle s’était lancée dans des recherches approfondies sur le gène magique et ses mécanismes d’expression. Si pour l’instant, elle est incapable de déterminer quelle chaîne de nucléotides était responsable de l’expression de la magie, elle avait étudié les mécanismes environnementaux et physiologiques propres aux sorciers qui pouvaient jouer un rôle dans l’apparition des pouvoirs. Ses recherches arrivaient à un tournant car elle soutiendrait sa thèse dans quelques semaines et devait terminer son rapport dans quelques jours. Depuis plusieurs mois, elle rédigeait sans relâche. Elle en oubliait même de manger, de dormir, et de rentrer chez elle. Parfois elle s’assoupissait même sur son parchemin, et ses collègues la réveillaient le lendemain comme si cette situation était normale. Des coups furent frappés à la porte et immédiatement une infirmière du service d’urgence entra. « Dr. Marshall, monsieur Callahan vous réclame ! » Elle leva les yeux au ciel. Qu’avait-il encore fait ? Une jambe cassée ? Une épaule démise ? Un rhume qui, lorsqu’on le voyait, appelait à une mort certaine ? Peut-être tout à la fois en fait. « Vous auriez pu m’envoyer un patronus … – Vous savez, quand ils vous réclament, c’est plus facile de venir vous chercher directement … – J’arrive tout de suite. » Elle rangea son dossier, le mit sous clé et quitta son bureau au pas de courses. Cela faisait déjà plusieurs années que sa vie était rythmée par les arrivées impromptues de Jesse aux urgences de Sainte-Mangouste. Leur couple s’était construit autour de ce lieu … En arrivant aux urgences, l’infirmière lui indiqua une salle d’examen sur sa droite. Elle la remercia d’un hochement de tête, attrapa le dossier et ouvrit la porte. « Jesse, tu ne peux pas continuer à te blesser, juste pour me voir. Je suis désolée si je ne rentre pas tout le temps à la maison en ce moment, mais … » Le dossier indiquait … Elle leva enfin les yeux sur lui. « … maux de tête ? Tu viens pour des maux de tête ? » Son haussement d’épaule la révolta. « Vraiment ? C’est tout ce que tu trouves à dire ? » Un petit sourire se dessina sur ses lèvres. « Tu es vraiment incorrigible ! » Elle ouvrit l’armoire à pharmacie, en sortit une petite fiole et lui tendit. « Allez, je dois retourner à mon manuscrit ! Tu sais que je dois le finir avant la fin de la semaine ! » Elle s’approcha de lui, posa tendrement un baiser sur ses lèvres et se dirigea vers la porte. « Attends ! » C’est en entendant sa voix qu’elle se rendit compte qu’il s’était terré dans un profond mutisme depuis qu’elle était entrée dans la pièce. Elle se retourna et c’est à ce moment-là qu’elle remarqua la petite boîte dans sa main. Il descendit de la chaise d’examen mais elle avait déjà compris ce qu’il se passait. Sa tête se mit subitement à tourner ; le manque de sommeil, l’hypoglycémie et l’émotion, sans doute. Elle ne se souvint pas vraiment de ce qui se passa ensuite, mais elle finit par être mariée à cet homme …

(avril 2028) Enfermée dans cette cellule grise, avec pour seule compagnie sa colère et sa rancœur, elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer le pire des scénarios. Après six mois de fuite, elle avait finalement été attrapée par la Milice et savait pertinemment que son appartenance à l’Alliance la condamnerait à un emprisonnement à vie, ou à la mort. Mais cela avait peu d’importance à ses yeux, ce qu’elle craignait le plus c’était ce qui arriverait à sa famille, à sa fille … Allaient-ils les punir eux aussi d’être liés à une traitre ? Elle s’en voulait horriblement … Et Bonnie. Il ne lui resterait qu’un père à mi-temps, et des grands-parents qui n’avaient rien demandé … Elle aurait dû rédiger un testament, elle aurait dû faire part à quelqu’un de ses dernières volontés … Mais jamais elle n’avait envisagé de mourir avant ses 50 ans … Toutes ces pensées lui donnaient un mal de tête atroce. En entendant le verrou de la porte se débloquer, elle comprit que la mort venait la cueillir. « Vous ! Levez-vous ! » Elle obéit alors qu’ils faisaient apparaître autour de ses poignets des menottes technomagiques. « Allez ! Avancez ! » Les deux gardiens la poussèrent à l’intérieur d’une salle d’examen stérile. « Qu’est-ce qu’il se passe ? Qu’est-ce que vous allez faire ? » Elle reçut un coup dans la colonne qui la fit tomber par terre. « Taisez-vous ! Et relevez-vous ! Le médecin va arriver ! » La douleur la fit trébucher plusieurs fois avant qu’elle ne réussisse à s’asseoir sur le lit d’examen. Un homme vêtu de blanc, d’un masque et de gants entra dans la pièce. Sans un mot il prit une seringue sur le plateau d’examen et lui attrapa le poignet. Elle voulut se débattre mais un coup dans le flanc l’immobilisa et le contenu de la seringue finit de la calmer … Lorsqu’elle se réveilla, trois personnes se trouvaient autour d’elle. Elle ne reconnut qu’un visage. « Leonor ? » L’interpellée se tenait en retrait, derrière les deux autres personnes. « Vous avez beaucoup de chance de la connaître, parce que sans elle, vous n’auriez pas la chance de vous racheter … » Son esprit était encore embrumé et elle n’était pas sûre de tout comprendre. « A partir de maintenant, vous travaillerez pour nous. Miss Chetwynd nous a dit que vous étiez d’une très grande valeur … Enfin … » Un index appuya contre sa tempe. « Votre cerveau est d’une très grande valeur. Vous êtes libre … A certaines conditions. Vous travaillerez sur le gène magique pour nous. » Sa bouche était pâteuse et elle avait du mal à répliquer mais sa tête s’agita vigoureusement pour indiquer son refus. « Vous n’avez pas vraiment le choix. Si vous ne respectez pas ces conditions, votre fille en paiera le prix … » Ils avaient raison. Elle n’avait plus le choix. Ils étaient capables de tout. Elle fera tout pour protéger Bonnie. Tout.